Compagnie la voltige – Nicolas Bonneau

Réalisé par Marie-Agnès Joubert en avril 2014

Directeur depuis 2006 de la Compagnie La Volige, le conteur Nicolas Bonneau a choisi d’ancrerson projet artistique durant 3 ans sur le territoire du Haut Val de Sèvre.

Nicolas Bonneau dans Ali 74, le combat du siècle, photo Virginie Meigne

Retour aux sources

Même s’il s’est passionné très tôt pour le théâtre découvert sur les bancs du Lycée Jean Macé à Niort, Nicolas Bonneau confie avoir mis plusieurs années à accepter une vocation qui, « déter- minisme social oblige » (il est issu d’un milieu populaire) ne lui semblait pas promise. Tout en commençant des études d’His- toire à Poitiers, il fréquente les ateliers théâtre de la ville puis fait ses premiers pas de comédien et metteur en scène au sein d’une compagnie fondée avec Nicolas Marjault à Nantes. Mais c’est à Paris, dans les années 2000, que le parcours de Nicolas Bonneau connaît un premier tournant décisif. En intégrant la Compagnie Entrées de jeu dirigée par Bernard Grosjean, un dis- ciple d’Augusto Boal, et en pratiquant durant 4 ans du « théâtre forum », sa sensibilité pour un théâtre politique, en prise avec le monde, s’aiguise. Malgré ces expériences, et l’écriture dès 1997, à 24 ans, d’un premier texte qui raconte l’histoire de sa famille, Nicolas Bonneau cherche encore son véritable mode d’expression. Il le trouvera au Québec, pays où il séjourne un an à l’invitation d’une compagnie franco-québécoise, et plus pré- cisément dans les cafés où il découvre des diseurs d’histoires traditionnelles ou urbaines qui pratiquent une adresse très directe et simple au public. « J’ai fait mes classes en arpentant les scènes ouvertes, se souvient Nicolas Bonneau. Je me suis constitué un répertoire de contes puis ai rapidement écrit mes propres textes. »
De retour sur ses terres des Deux-Sèvres, alors inconnu, il reçoit le soutien du festival le nombril du monde et notamment celui d’Anne Marcel, de Gabriel Lucas et plus tard de Yannick Jaulin. Fin 2006, sortie d’usine, son premier spectacle, réalisé en col – laboration avec Anne Marcel (qui coïncide avec la création de la Compagnie La Volige et sera joué 500 fois, aussi bien dans des salles des fêtes que dans des scènes nationales ou des centres dramatiques nationaux), révèle Nicolas Bonneau au public et aux professionnels. Il préfigure aussi une démarche de création singulière, celle d’un théâtre proche du documen- taire qui se nourrit de longs temps d’immersion sur le terrain (dans les lieux de justice pour fait(s) divers ou encore les salles de boxe de Kinshasa pour un spectacle sur Mohamed Ali) et de collectage, et privilégie une écriture de plateau sous le regard d’un metteur en scène, d’un musicien, d’un créateur lumière ou d’un scénographe.
Soucieux dans chacun de ses spectacles de s’adresser autant aux publics férus de culture qu’à ceux qui en sont les plus éloignés – ce qui fait, selon lui, « la force et la spécificité » du conteur – Nicolas Bonneau franchit aujourd’hui une nouvelle étape en amorçant, avec la complicité de Théophane Gillois, un projet de 3 ans sur le territoire, au plus près des habitants. Un engagement citoyen qui marque aussi, à titre plus personnel, « une réconciliation avec soi-même et avec ses racines ».

L’Affût : Pourquoi avoir décidé de développer un projet sur le territoire du Haut Val de Sèvre ? Et quelles formes va-t-il prendre ?

Cette démarche est liée à mon retour sur les terres où je suis né, cette envie que j’éprouve de vivre avec les gens, de me rapprocher de la réalité, du concret. Ce qui me plaît aussi est l’idée d’inventer une démarche artistique en montant des projets dans d’autres endroits que des théâtres puisque la Communauté de communes ne dispose pas de salles. Je souhaite travailler sur la qualité de la relation avec le spectateur et non la quantité, et ce projet-là le permet. Nous proposons des Conférences citoyennes qui reposent sur la rencontre entre un artiste et une personne exerçant une autre profession, comme prochainement celle de Pascal Rome avec un apiculteur. Des Veillées sont déjà organisées chez l’habitant et nous rouvrirons aussi, le temps d’une soirée- cabaret, des cafés du territoire. Un autre projet important concerne des portraits d’habitants du territoire que nous aimerions publier une fois par mois dans la presse et rassembler dans une exposition puis un ouvrage.

L’Affût : De nombreux spectacles dits participatifs, qui impliquent les habitants, existent aujourd’hui. Comment expliquer ce phénomène ?

C’est un peu une tradition poitevine, dans la lignée des mouvements d’Éducation populaire dans le sud des Deux- Sèvres, ou du festival le nombril du monde en Gâtine. De manière plus générale, je pense que les théâtres ressentent le besoin d’explorer une relation différente avec les spectateurs, d’en trouver aussi de nouveaux pour remplir leurs salles. Cette approche permet de toucher un autre type de publics.

L’Affût : Que peut-on attendre de projets de territoire en termes d’appropriation de l’art et de la culture ?

De tels projets permettent à un artiste de créer une relation particulière avec des spectateurs, de les fidéliser, de construire une histoire. C’est en tout cas mon ambition : faire en sorte que les publics reviennent voir un artiste, même si un spectacle ne leur a pas plu ou les a surpris, parce qu’une confiance, une intimité se sont instaurées. On peut alors prendre les gens par la main et les emmener là où ils ne seraient pas allés autrement. Les projets de territoire contribuent aussi à réduire le fossé qui peut parfois exister entre des artistes et des spectateurs qui perçoivent le théâtre comme élitiste. De même, réunir sur scène des professionnels et des amateurs aide à briser les barrières, comme cela va être le cas avec village toxique, projet emblématique de la compagnie, qui sera créé en août au Nombril, puis en tournée dans les Deux-Sèvres, en Charente et dans d’autres régions.

Compagnie La Volige
06 63 25 40 48
compagnielavolige@gmail.com
lavolige.fr

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