François Sabourin les ateliers du panorama
Il aime la guitare, la poésie, le théâtre et les postures décalées. Le comédien et metteur en scène François Sabourin mène ses projets seul au sein des Ateliers du Panorama, multipliant les formats, de la visite au concert-performance.
Portrait d’un esthète de l’éclectisme.

Comédien Zigzagant
François Sabourin a beau revendiquer un côté autodidacte, il s’est bien formé comme comédien – au Conservatoire et à la fac des arts du spectacle de Poitiers –, non sans dériver aussitôt vers la musique (avec un trio de didgeridoo) et la création d’un festival de spectacle chez l’habitant. Bref, il montre vite une appétence à s’écarter d’une trajectoire linéaire. C’est d’ailleurs la musique qui lui ouvre grand les portes de la Comédie-Française – rien que ça – où le metteur en scène Matthias Langhoff lui demande de créer la musique de Léonce et Léna. Pas mal comme premier job. Il a 22 ans.
Il façonne ensuite ça et là des aventures théâtrales foisonnantes auprès de créateurs aux esthétiques variées : le metteur en scène Olivier Maurin, la compagnie de rue Delices DADA, ou le collectif ildi ! eldi, qui le mènera des Subsistances à New York. Longtemps implanté à Lyon, il revient à Poitiers, en 2006, pour créer l’association Les Ateliers du Panorama. Il y est seul, s’occupe de tout, à son rythme, et cela lui va bien. « Cela correspondait à un besoin de travailler sur des choses plus personnelles qui mixaient mon goût pour les mots, les arts plastiques et la musique. Je ne me considère pas vraiment comme un metteur en scène de théâtre. Dans mon parcours de créateur, je n’ai jamais monté des pièces de théâtre, et suis toujours parti d’un matériau littéraire – poésie ou roman – ou sociologique. Disons que je pratique l’art de la parole. »
Depuis lors, c’est bien ce champ pluridisciplinaire qu’il explore au fil de créations atypiques, dont deux aux côtés de l’écrivain Cyrille Martinez : Sleepworker, créé à la Collection Lambert d’Avignon, adaptation musicale à trois guitares du roman Deux Jeunes Artistes au Chômage tout à la fois installation, performance, concert, film et manifeste ; et son dernier né Le poète insupportable, un seul en scène minimaliste où il devient ce poète-bibliothécaire évoquant le concret de sa vie. « Je l’entrevois presque comme une forme de théâtre documentaire. Le public ne sait pas que ce n’est pas moi l’auteur, je m’appelle Cyrille. Je suis dans un mode d’expression qui permet d’aller dans une relation proche avec le public et je privilégie les petites jauges, comme dans les bibliothèques ». Entre temps, il y a eu L.A., en 2020, un autre projet d’adaptation de poèmes, ceux de Jérôme Game, joué une fois à la Méca avant de subir les conséquences du confinement.
Sa rentrée 2022 se décline à Poitiers, son camp de base désormais, où il construit des liens avec les institutions locales : la municipalité, avec laquelle il a signé un contrat-cadre pour ses visites guidées. Mais aussi le TAP en novembre, qui programme son adaptation de Foucault Californie dans le cadre des Rencontres Michel Foucault, ou le Méta, qui accueillera au printemps Idiot-ci, Idiot-là, pièce montée en 2006 par Olivier Maurin. Et la suite ? Elle décante doucement – « Je suis lent » dit-il. Mais elle prend le chemin d’une nouvelle création avec Cyrille Martinez.
L’Affût : Vous proposez depuis 2020 des visites guidées à la DADA à Poitiers. D’où vient ce projet ?
À la sortie du confinement, je suis allé voir le service culturel de la ville pour présenter un projet au long cours, en extérieur, modeste en coût et permettant d’être au contact avec le public, malgré tout. C’est comme ça que les visites à la DADA sont nées, même s’il y avait eu un précédent en 2019, dans le cadre de Traversées où j’avais proposé une petite visite du Palais. Les retours du public avaient été très chaleureux, et j’y avais entrevu la possibilité de développer ici un grand récit à l’échelle de la ville.
L’Affût : Le nom de ces visites se réfèrent autant au mouvement dadaïste qu’à la compagnie Delices DADA de Jeff Thiébaut ?
Oui, les Delices DADA ont créé Circuit D en 1988, un spectacle de visites guidées décalées dans la ville. Sept comédiens y écrivaient le spectacle en un jour et demi et les visites duraient 30 minutes. La dernière a eu lieu en 2020. De nombreux comédiens y ont participé, dont moi, qui ai rejoint la compagnie en 2003.
Quant aux dadaïstes, on sait qu’ils ont imaginé ce genre de visites dès 1921. Mon projet se situe ainsi dans une continuité, même si j’ai opéré une différence avec mes aînés puisque je mène ces visites seul et que je me laisse un mois d’écriture. En amont, j’invite Jeff Thiébaut à décrypter avec moi le paysage. L’avantage, dans mon cas, c’est la reprise. Pour les Journées Européennes du Patrimoine 2022, je rejoue mes deux premières visites, créées en 2020. Celles du palais et de la cathédrale, dont c’est déjà la 3e saison avec plus d’une vingtaine de représentations chacune à leur actif.
L’Affût : Alors, c’est quoi le côté DADA ?
C’est casser un peu le sérieux de la grande histoire, tout en jouant avec les codes de la visite ! Je deviens le guide officiel de l’histoire non sérieuse de la ville. Je me sers du bâti et de ma lecture du paysage pour exprimer un certain point de vue. Il suffit de conduire le regard du spectateur sur un détail de l’architecture pour faire passer des inventions poétiques et politiques, surréalistes, dadaïstes !
Les Ateliers du Panorama
22 rue de la Cueille Aiguë 86000 Poitiers
lesateliersdupanorama@gmail.com
lesateliersdupanorama.co
Crédits photos : Les Ateliers du Panorama, François Sabourin, photo Philippe Daval lesateliersdupanorama.co
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