Festival “À corps” : Comment penser la diffusion d’un spectacle de danse dans le contexte actuel ?

Mardi 5 avril 2022
au TAP – Théâtre Auditorium de Poitiers, scène nationale (Poitiers)
Au mois d’avril, L’A. s’est mise aux couleurs de la danse à l’occasion du Festival À Corps à Poitiers. Ainsi, elle a co-organisé avec le TAP – Théâtre Auditorium de Poitiers, scène nationale une rencontre professionnelle sur « Comment penser la diffusion d’un spectacle de danse dans le contexte actuel ? » le mardi 5 avril. Pour cette occasion, L’A. a publié la mise à jour du guide La danse en Nouvelle-Aquitaine.
La rencontre a réuni une vingtaine de personnes (direction de structures, artistes, chargé·e·s de production / administration / diffusion, communicant·e·s). Pour éclairer cette « discussion », les intervenants ont partagé leurs expériences et leurs témoignages en commençant par l’impact que la crise sanitaire avait eu sur leurs pratiques. Ainsi, Sonia Garcia et Séverine Lefèvre de la compagnie La Tierce, retiennent le soutien fort des structures déjà partenaires. Elles soulignent que leur manière d’envisager la diffusion a changé. Cette crise leur a permis de se recentrer sur l’artistique. Malgré tout, elles sentent qu’il est difficile de mobiliser les programmateur·trice·s sur les temps de diffusion, de ce fait il est plus difficile de trouver de nouveaux partenaires. Vanessa Vallée, directrice de production pour la compagnie Sylex indique que pendant les confinements, le temps a servi à la compagnie pour renforcer les partenariats et donc de privilégier le travail de qualité.
Du côté de Céline Bergeron, responsable de la programmation et de l’action culturelle Beaulieu Danse au Centre d’animation de Beaulieu (maison de quartier de Poitiers), la période « sans représentation » a permis de prendre conscience de l’importance de valoriser les temps de résidence. Il faut selon elle repenser le rapport au public. Lise Saladain, directrice déléguée du CDCN La Manufacture, synthétise ces constats : « la question de la relation a été mise en défaut, pour autant la création artistique a été renforcée ». Le CDCN souhaite intégrer le temps long pour produire des spectacles mais cela pose des questions budgétaires. Du côté du TAP, Christophe Potet, directeur des projets artistiques, indique que ce temps a aussi été celui d’expérimentation. Toutefois, comme les artistes ont manqué de visibilité sur cette période, la saison 2021-2022 est plus dense. Cela explique l’indisponibilité des programmateur·trice·s mais aussi la fatigue au sein des équipes (de médiation notamment).

Dans un second temps, s’appuyant sur quelques chiffres issus de l’étude sur la diffusion de la danse de 2011 à 2017 pilotée par l’ONDA, nous nous sommes interrogés sur les raisons qui font que la danse est si peu diffusée dans les lieux notamment. Pour La Tierce, le sentiment d’une méconnaissance de la danse est important. Et puis il y a la difficulté de mettre des mots sur cet art. Pour Lise Saladain, la place de l’école est importante pour permettre de travailler le regard et ainsi favoriser la légitimité de la parole sur la danse. « La danse charrie des représentations clichées, notamment la danse contemporaine ». Pour Christophe Potet, les lieux sont bien souvent pas ou peu adaptés à recevoir des spectacles de danse. Par ailleurs, dans un lieu pluridisciplinaire, les directions sont souvent plutôt issues du théâtre.
C’est donc moins naturel d’aller vers une programmation de danse. Cet engagement repose alors sur des personnes investies au sein des équipes. Céline Bergeron complète en rappelant que la danse est moins aidée que le théâtre ou la musique en général ce qui contribue à la rendre plus fragile. Elle précise également qu’en rappelant que programmer la danse « c’est une prise de risque, un projet à bout de bras, un engagement de tous les jours ».
Ensuite, L’A. a partagé quelques chiffres en Nouvelle-Aquitaine issus du guide de la danse :
- 127 compagnies et collectifs professionnels sont recensés en Nouvelle-Aquitaine, ce qui représente un peu plus de 1 équipe artistique sur 10 ;
- 8% des emplois salariés artistiques de spectacle vivant relèvent de la danse ;
- 25 festivals sont dédiés à la danse (1 sur 20 festivals culturels, qui comprend festivals livre, cinéma, musique, etc).
Nous nous sommes intéressés aux leviers qui existent ou qu’il faudrait mettre en place pour faire bouger les lignes. Ainsi, La Tierce a partagé le fait que pour le collectif, il était pertinent de s’installer en (ex) Aquitaine car il y avait moins de concurrence. Christophe Potet introduit la notion de filière et l’importance de ne pas être isolé, être capable de se fédérer, notamment du côté des compagnies. Lise Saladain ajoute qu’il faut structurer la parole des compagnies pour qu’elles soient bien plus entendues.
Les personnes présentes conviennent qu’il est important de dédier des journées professionnelles à la danse et de toucher des personnes qui ne connaissent pas cet art.

Lise Saladain rappelle que les collectivités, les communes sont des espaces à défricher. Il lui semble important aussi de penser l’écosystème financier.
Un certain nombre de dispositifs financiers ont été évoqués. Des travaux de réflexion sont en cours du côté du SYNDEAC, en lien avec LAPAS (association des professionnels de l’administration du spectacle). La Tierce a témoigné des débuts du collectif, le fait que la première année, les artistes ne se sont pas payé·e·s pour épargner et recruter une personne sur les aspects administratifs et de diffusion quelques jours par semaine. Elle explique que développer un projet et la création artistique sont deux logiques différentes. Il a été difficile de trouver la bonne personne et d’accepter de déléguer. Vanessa Vallée renchérit en expliquant que la compagnie Sylex compte aujourd’hui 3 salariées, essentiellement des femmes.
Toutes et tous rappellent l’importance de la relation humaine, mais aussi de l’implication des artistes dans la connaissance des lieux qu’ils ou elles sollicitent, leurs choix de programmation. La notion de parrainage est évoquée, Vanessa Vallée ajoute que le travail des pairs, de ces personnes qui suivent le projet et en parle pour les artistes est important.

Ce sont des inquiétudes pour la suite qui sont partagées en fin de rencontre : quels vont être les moyens des collectivités suite à cette crise sanitaire, des interrogations sur la relation aux lieux non-labellisés, aux communes. Toutes et tous souhaitent vivement trouver des leviers pour « réenchanter la danse ».
Intervenant·e·s :
- Céline Bergeron, responsable de la programmation et de l’action culturelle Beaulieu Danse
- Sonia Garcia et Séverine Lefèvre, artistes chorégraphes, La Tierce
- Christophe Potet, directeur des projets artistique du TAP
- Lise Saladain, directrice déléguée du CDCN La Manufacture
- Vanessa Vallée, directrice de production de la compagnie Sylex
Plus d’informations :
Mathilde Barron – 05 49 55 33 19 / m.barron@la-nouvelleaquitaine.fr
festivalacorps.com
Crédits photos : Comment penser la diffusion d’un spectacle de danse dans le contexte actuel ?, Festival À Corps, photos iBooCREATION