S’insérer dans le monde professionnel en temps de COVID-19

Réalisé par Sarah Le Blé en juillet 2021

Les étudiants en formation artistique ou culturelle ont souffert, comme tous, de l’impact social et relationnelprovoqué par la crise sanitaire. Souvent intégrés à des petites promotions, ils ont pourtant pu reprendre les cours plus facilement.Avec une conviction décuplée.

L’Académie de l’Union, École Supérieure Professionnelle de Théâtre du Limousin, accueille des promotions (appelées séquences) de 16 étudiants sur trois ans, dans un cadre bucolique assez exceptionnel, à Saint-Priest-Taurion (à 12 km de Limoges). Dans le contexte de crise sanitaire, le directeur pédagogique, Paul Golub, estime que l’école a eu « beaucoup de chance » : « Nous avons pu reprendre la formation en septembre dernier. Certes, nous avons dû annuler des stages, des résidences et même un voyage en Russie, mais globalement nous ne nous sommes jamais vraiment arrêtés. »
Pendant le confinement proprement dit, les élèves ont travaillé d’autres formes d’expression, telles que la vidéo ou l’écriture, pour aboutir à des projets seul en scène qui ont même pu être joués récemment. « Bien sûr, le travail de jeu a moins été mis en valeur qu’il n’aurait dû l’être, car c’est forcément plus compliqué à distance, néanmoins nous avons fait le pari de mettre les étudiants face à de la création personnelle, notamment à travers l’écrit ; ils ont ainsi pu se révéler autrement. »

Stages raccourcis

Les rencontres avec des créateurs en activité ont cependant cruellement manqué, et avec elles, la confrontation avec des regards et des partis pris artistiques. D’autant que « ces rencontres peuvent évidemment déboucher sur une insertion professionnelle », souligne Paul Golub.
Même constat du côté du master Ingénierie de projets culturels et interculturels de l’université Montaigne de Bordeaux, où l’enseignement privilégie largement les stages et l’alternance, y compris hors de France du fait du pourcentage assez élevé d’étudiants étrangers (autour de 10%). Les périodes de confinement ont obligé la plupart des étudiants à décaler ou raccourcir leur stage, ce qui a drastiquement réduit les relations professionnelles ; mais l’université a pris le parti de valider tous les stages. « L’année scolaire s’est déroulée en mode dégradé, encore plus cette année, mais tous les modules d’application ont pu se réaliser », souligne François Pouthier, responsable du master.
L’année universitaire a pu être menée quasi à terme en 2019-2020 puisqu’elle se termine classiquement début avril en Master 1 et en janvier pour les Master 2. Cette année, les étudiants ont « perdu » en plus les mois de novembre et décembre : « Ça n’a pas été simple de reprendre en janvier : certains étudiants n’avaient pas pu garder leur logement, d’autres étaient sur d’autres projets… Leur moral était encore plus impacté car il y avait un sentiment d’accumulation. Néanmoins, cela a fait du bien à tous de se retrouver. Puis ils ont tous décroché facilement un stage par la suite. Les anciens des promos précédentes ont pleinement joué le jeu et ont fait preuve d’une grande solidarité. »

Choix confrontés

Pourtant, la crise a aussi permis de renforcer les choix, voire même a exacerbé les personnalités, selon Pier Lamandé : « Il existe déjà une part de risque à se projeter dans le monde artistique », souligne le comédien intervenant au master d’assistant à la mise en scène de Poitiers. « Le contexte incertain a pu déstabiliser les uns qui avançaient déjà prudemment mais il a aussi décuplé la conviction des autres de travailler dans le domaine artistique. »
Le travail à distance a par ailleurs généré de nouvelles approches artistiques, comme le théâtre numérique, qui a permis de garder le lien avec la création, grâce à l’offre disponible mais aussi dans le travail de création : « Il a fallu reconnecter les étudiants avec l’idée de public, retrouver la sensation d’adrénaline ; nous avons donc travaillé sur une forme chimérique du théâtre, croisant l’idée d’écriture cinématographique avec la dimension de présent propre au théâtre, le tout sur Internet. »
Paul Golub note de son côté un besoin encore plus marqué chez les étudiants de jouer collectif ou de s’emparer de leur destin: « Le métier de comédien s’avère périlleux et difficile, et beaucoup ressentent la volonté de créer en plus de celle d’interpréter. Créer sa compagnie est une façon de s’armer et aussi de générer du travail. Face à une situation remplie d’incertitudes, les jeunes se prennent en main. Avec détermination. »

Focus sur 3 formations artistiques ou culturelles régionales

  • L’Académie de l’Union fait partie des 12 écoles supérieures d’Art Dramatique habilitées par le Ministère de la Culture à délivrer le DNSPC (Diplôme National Supérieur Professionnel de Comédien). La séquence 10 (2019-2022) rassemble 8 filles et 8 garçons, qui ont pris cette année la présidence de la (bien nommée) association Affût, regroupant les élèves d’écoles supérieures de théâtre francophone.
  • Le master de Poitiers, créé il y a 15 ans autour de la mise en scène et la dramaturgie, s’est recentré depuis 6 ans sur l’assistanat à la mise en scène, « un métier de plus en plus nécessaire à la création artistique et qui se devait d’être valorisé », souligne Pier Lamandé, metteur en scène et maître de conférence, qui précise que le master est une façon d’aborder la vie professionnelle sur le principe de la formation continue.
  • Le master Ingénierie de Projets Culturels et Interculturels de l’Université Bordeaux Montaigne a été créé il y a 11 ans. Il forme 27 étudiant.e.s en Master 1, 32 en Master 2. Depuis l’origine, il est ouvert à la formation continue et depuis 2016, reconnu comme filière d’apprentissage dans le cadre du CFA Bordeaux Montaigne.

Crédits photos : photo L’Académie de l’Union academietheatrelimoges.com

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