Rock & chanson

Réalisé par Stéphanie Pichon en juin 2022

Au milieu des tours du quartier Thouars, à Talence, la SMAC Rock & Chanson déploie projets de territoire participatifs, école de musique et création expérimentale. Un cocktail aussi local qu’inventif signé Delphine Tissot, sa directrice depuis 2020.

Petite, curieuse, atypique !

Delphine Tissot est l’une des trois femmes à la tête d’une SMAC (Scène de musiques actuelles, label du ministère de la Culture) en Nouvelle-Aquitaine. Sur l’agglomération bordelaise, la salle talençaise fait figure de petit poucet aux côtés des trois autres scènes labellisées (le Rocher de Palmer, le Krakatoa – dont Delphine Tissot a été administratrice –, la Rock School Barbey). Avec sa mini-jauge – 160 debout, 40 assis – et son budget serré (600 000€), Rock & Chanson doit jouer d’autres cartes pour exister. Celles du territoire, de la création locale, du tissage de projet au plus près des habitants.
En janvier 2020, tout juste nommée, Delphine Tissot héritait d’une longue histoire de 35 ans au cœur du quartier prioritaire Thouars, à Talence. Patrice Dugornay y avait façonné un lieu où concerts, école de musique et studios de répétition se côtoyaient dans une ambiance de quartier. Deux ans plus tard, la directrice a connu une pandémie, des mois de fermeture, mais a pris le temps de remanier le projet à sa mesure : curieuse, citoyenne et expérimentale.
La marge artistique dédiée chaque année à la programmation, ne lui permet pas de jouer dans la même cour que les autres. « On n’est pas du tout dans une programmation de SMAC habituelle. On est plus à la marge, privilégiant l’émergence, la scène locale et l’expérimental. » Ainsi l’association Einstein on the Beach a eu carte blanche toute cette saison pour une programmation « Off the Beach » où se sont croisés des artistes tels que Rien Virgule, Jihem Rita ou Rouge. En avril, l’association a même imaginé une journée parcours musical entre le marché des Capucins, à Bordeaux et la salle, à Talence, avec concert surprise dans le bus entre les deux lieux. « On travaille la création sous toutes ses formes, moi je viens de là ! », rappelle celle qui est passée, entre autres par Césaré, Centre national de création musicale à Reims. « Nous organisons en moyenne trois concerts par mois, et puis, depuis l’été dernier, le festival Jardins Sonores, imaginé pour marquer nos retrouvailles post-fermeture avec tous nos adhérents ».
Car oui, les 500 adhérents de Rock & Chanson sont une force, autant que la gouvernance partagée, la participation aux instances démocratiques de la ville, et aux événements rythmant l’année comme le Carnaval. « Nous sommes là pour créer du lien entre les personnes. En arrivant, j’ai fait le constat que les gens du quartier n’étaient pas forcément au courant de ce qu’on faisait. Avec l’appui de la DRAC nous avons commencé à construire des projets de territoire expérimentaux. » En est ressorti Get Lucky, programme incitant les jeunes du quartier à venir développer un projet musical dans les murs ou Les Rencontres Buissonnières, résidences artistiques participatives. À cela s’ajoutent d’autres accompagnements et médiations à l’esprit novateur : la création jeune public « maison » Léa et la Boite à colère ou les Boîtes électriques, outil numérique de sensibilisation à la musique développé avec Guillaume Martial.
Ces succès de proximité n’empêchent pas Delphine Tissot de rêver à une rénovation générale du lieu, dont les huit studios de répétition, celui d’enregistrement, l’école de musique et la salle de concert, auraient besoin d’être adaptés aux pratiques foisonnantes d’aujourd’hui.

L’Affût : Depuis votre arrivée, quelle a été votre action en direction des musiciens ?

J’ai fait en sorte que ce lieu reste une maison pour les musiciens – amateurs et professionnels –, qu’ils se sentent au cœur du projet. On a recréé un dispositif d’accompagnement, le 324°, qui suit leurs projets et favorise leur développement. On a aussi incité les concerts des groupes des adhérents. Et puis, l’été dernier, on a fait ce petit festival Jardins Sonores, en extérieur, avec la scène locale et Einstein on the Beach.

L’Affût : Vous avez aussi tissé des liens très forts avec cette association bordelaise portée par Yan Beigbeder autour de la musique expérimentale, ce qui n’est pas forcément dans les ADN des SMAC.

Avec Yan, c’est une belle histoire de rencontre humaine et artistique : lui recherchait un lieu reconnu pour présenter ses projets. Et nous, avec notre « club à la New-yorkaise » comme il aime l’appeler idéal pour les expériences esthétiques… On était fait pour se rencontrer !
C’est une jolie solidarité territoriale entre deux petits qui sont plus forts ensemble. On a d’abord imaginé Frugal, une résidence sur le quartier, qui a donné une performance sonore où les habitants faisaient à manger et étaient partie prenante du projet. Il y a eu trois jours de résidence puis trois représentations dans le quartier. Après cette première collaboration, nous les avons invités sur toute notre saison. Depuis on leur laisse carte blanche. Le collectif est pour ainsi dire résident de Rock & Chanson. Ils font une programmation libre, avec une qualité artistique indéniable.

L’Affût : Il sera aussi présent sur les prochains Jardins Sonores du 9 au 10 juillet, à Talence, au Parc Chantecler.

Je n’envisage même plus la programmation sans qu’ils soient là après la saison que nous avons vécue ensemble ! Pour Jardins Sonores, ils préparent, entre autres, des écoutes sous d’anciens casques de coiffeur…

Rock & Chanson
Parc Chantecler, 181 rue François Boucher 33400 Talence
05 57 35 32 32 – info@rocketchanson.com
rocketchanson.com


Crédits photos :
 SomElse, Rock & Chanson, photo Lucas Bertoumieu somelse.fr

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