Mon métier : Artiste visuel – Yoann Hébert
Ce numéro de l’Affût vous invite à faire connaissance avec Yoann Hébert, artiste visuel, créateur de l’œuvre Le cube infini. Il nous raconte son métier, comment il l’exerce et comment il se projette.

L’Affût : Décrivez-nous votre métier ?
Je suis actuellement artiste-auteur et plus particulièrement artiste visuel. Un artiste visuel va créer une œuvre physique, souvent hybride. Pour ma part, j’ai créé un objet que j’ai imaginé avec une composition, un sens, que j’essaie de retranscrire à travers cet objet-là. J’ai plusieurs objectifs : dans la phase de conception, le convertir en quelque chose de physique, de palpable ; dans la phase de création, m’entourer de gens ; et dans la phase de diffusion, essayer de faire vivre l’objet artistique à travers les différents circuits du milieu culturel. Artiste est un métier non cartésien. Il est sujet à interprétation. Dans l’art visuel, l’idée d’expérimentation est très importante. Il ne m’est jamais arrivé de faire quelque chose que je savais faire. À chaque fois, j’essaie quelque chose de nouveau. Je trouve cela difficile d’être sûr de soi sur la définition de ces métiers-là. Certains artistes viennent avec une envie de transmettre quelque chose et du coup s’entourent de gens qui peuvent le faire techniquement. Il y a l’idée fantasmée de l’artiste qui n’a « juste que des idées » et qui a la chance ou se donne les moyens de rencontrer des personnes qui vont lui permettre de convertir ces idées-là. D’autres sont d’abord attirés vers un milieu ou par un métier. Ça a été mon cas avec le cinéma, la musique, en tout cas le milieu artistique. Même s’il y a l’envie de porter ses propres créations, ça commence par le fait d’être technicien pour d’autres, produire le film d’autres… À partir de là, on peut commencer à avoir de la légitimité pour porter ses propres créations.
L’Affût : Quel a été le déclencheur, comment avez-vous démarré dans ce métier ?
Le métier d’artiste au sens général ça vient depuis toujours, déjà par le théâtre quand j’avais 6 ans, la musique quand j’en avais 10, le cinéma quand j’en avais 20 puis les arts visuels plutôt vers mes 25 ans. Ça vient d’une sorte de fascination, d’envie de créativité.
Concernant l’art visuel précisément, c’est un projet de création de lieu de vie culturel à Bordeaux qui a déclenché mon activité. Le projet a été annulé mais mon idée d’œuvre à présenter dans ce lieu m’est restée dans la tête. J’ai voulu la convertir en clip mais finalement je l’ai convertie en œuvre d’art visuel. Finalement, c’est un financement de la région Nouvelle-Aquitaine qui a pu permettre que je vive de cette activité depuis un an et demi et qui va me permettre de continuer à la poursuivre.
L’Affût : Qu’est-ce qui vous plaît dans votre métier ?
L’un des meilleurs sentiments est de pouvoir convertir une idée en quelque chose qui existe, de palpable, qui est devant moi. J’aime le fait que ce soit physique et non dans un disque dur, de sortir de l’ordinateur et d’aller vers quelque chose de physique, de réel. J’aime aussi créer un objet qui raconte quelque chose par lui-même et qui peut être interprété par 1 000 personnes, 1 000 artistes. C’est agréable d’avoir quelque chose qui vit sans soi.
L’Affût : Un projet à partager ?
Mon projet s’appelle le Cube infini. C’est un cube de 27 mètres cubes qui est entièrement fait en miroirs sans tain. Le miroir sans tain marche avec la lumière. La partie qui est éteinte est une vitre et la partie allumée est un miroir. Quand on allume l’intérieur du cube, l’intérieur est reflété à l’infini. La personne à l’intérieur du cube est l’artiste. Il ne voit pas l’extérieur et se retrouve dans une expérience autocentrée. Le spectateur, lui, se retrouve à l’extérieur du cube et a une position de voyeur. Il voit sans être vu. L’interactivité présente sur une scène classique est complètement cassée. Cela crée une nouvelle forme de relation entre le performeur et le spectateur. Et surtout, cela met en exergue le côté « voyeur » qui est complètement présent aujourd’hui, que ce soit par le biais des réseaux ou par d’autres manières et qui pourtant reste assez tabou. Personne n’assume vraiment de vouloir regarder l’autre sans être vu ; pourtant tout le monde le fait au quotidien inconsciemment ou consciemment. On force donc la main au spectateur de se retrouver dans cette situation-là et je trouve ça intéressant.
L’Affût : Vos grands projets/chantiers à venir ?
Le projet du Cube infini a été imaginé en 2019 et a fini d’être construit en mars 2022. On commence une première tournée en juillet en Nouvelle-Aquitaine. On prépare une diffusion plus large en Europe pour l’été 2023. On organise une résidence d’expérimentation avec une association hongroise qui mêle arts, sciences et technologies et une structure italienne. On va tous se rejoindre en France puis on fait une résidence de création en Italie et en Hongrie. Et entre ces deux tournées (été 2022 et été 2023), il y aura sûrement la place pour d’autres projets plus éphémères et pour une utilisation diverse et hybride de cet objet-là.
L’Affût : Votre métier dans 10 ans ?
La VR [réalité virtuelle] ou le métaverse prennent énormément de place. Le risque serait que les sources de financement soient trop concentrées sur de l’innovation technologique et peut-être plus assez sur de l’art visuel. Mais sinon au niveau purement artistique et de l’expérimentation, c’est en plein essor, il y a toujours la possibilité d’innover. Je pense qu’il y a aussi un intérêt du public à découvrir ce genre d’œuvres-là. Tout le monde a toujours mixé différents univers pour faire quelque chose de nouveau. Mon projet implique aussi des danseurs et du vidéo-mapping, on n’a donc pas fini de voir évoluer les choses !
Où voir le Cube infini ?
30 mai 2022 – inauguration –hôtel Ragueneau / Bordeaux (33)
8 et 9 juillet – Fest. Les Réclusiennes / Ste-Foy-la-Grande (33)
Août – Festival Perform / dans le Médoc (33)
28 août – Open Air / Bordeaux (33)
Crédits photos : photo Étienne Cocuelle
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