Les Francophonies – Des écritures à la scène

Réalisé par Marie-Agnès Joubert en octobre 2020

L’arrivée d’un nouveau directeur a permis de consolider un projet qui associe désormaisplus étroitement écriture et création scénique.

Promouvoir les cultures francophones

Lors de sa nomination en janvier 2019, le premier acte d’Hassane Kassi Kouyaté fut de rebaptiser la structure (jadis « Festival des Francophonies en Limousin ») sous le vocable Les Francophonies – Des écritures à la scène. Non pour s’inscrire en rupture avec ses prédécesseurs, mais pour affirmer avec davantage de force une double réalité : d’une part le projet initié voici 37 ans ne se résume pas au seul événement proposé à l’automne, d’autre part il s’attache de plus en plus à favoriser le passage des textes au plateau. Cette priorité est désormais clairement revendiquée grâce à l’organisation de deux temps forts. Les Zébrures de printemps tout d’abord, qui dévoilent 15 textes au public et aux professionnels. Le choix se porte sur des auteurs de théâtre appartenant aux francophonies au sens large du terme, c’est-à-dire non limitées aux anciennes colonies françaises ni aux pays de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF). « Ce qui m’intéresse avant tout, c’est la façon dont un écrivain utilise la langue et la culture françaises pour créer », précise Hassane Kassi Kouyaté, évoquant ses récentes rencontres avec des auteurs tamoul ou japonais. Lors des Zébrures d’automne, une trentaine de spectacles dont la production est achevée sont joués dans différentes salles de la région – Opéra de Limoges, Théâtre de l’Union – CDN, centres culturels, théâtres de ville… Certains de ces lieux de diffusion, d’autres (Centre culturel Jean Gagnant de Limoges, Chartreuse de Villeneuve-lès-Avignon, Cité internationale des arts à Paris, Instituts français à l’étranger…) ainsi que l’OARA se sont au préalable investis dans des accueils en résidence et/ou en production. Autre volet important du projet, La Maison des auteurs (créée en 1988) propose des résidences dans le cadre de deux dispositifs assortis de bourses destinées uniquement aux autrices. Le premier, « Découverte », permet à deux femmes de bénéficier d’un accompagnement d’un mois à Limoges avant Les Zébrures de printemps (où leurs textes seront présentés), puis d’un autre mois à la Cité internationale des arts à Paris. « Terminer un texte » s’adresse, lui, aux autrices confirmées qui achèvent une œuvre, elle aussi montrée au printemps. Si on ajoute à cela des résidences plus informelles promises aux lauréats de différents Prix (RFI Théâtre, SACD, ETC Caraïbe et Sony Labou Tansi des lycéens), 20 auteurs au total se succèdent à La Maison, marchant ainsi sur les traces de leurs illustres aînés, Mohamed Kacimi, Koffi Kwahulé ou Wajdi Mouawad, tous révélés par Les Francophonies.
Partenaire indispensable dans la valorisation des écritures francophones, le public fait également l’objet d’une attention particulière, via un travail d’action artistique et culturelle déployé sur le territoire, notamment envers les jeunes. « Chaque année, nous réunissons 1 500 lycéens de 5 pays francophones pour le Prix Sony Labou Tansi des lycéens. Nous intervenons aussi à l’Université, dans les lycées et collèges, dans les associations et les maisons de quartier », se félicite Hassane Kassi Kouyaté, globalement conforté dans ses ambitions avec la labellisation des Francophonies, quelques mois après sa prise de fonctions, comme Pôle de référence de la création francophone.

L’Affût : Vous avez beaucoup développé les rencontres professionnelles et la formation. En quoi consistent-elles ?

Hassane Kassi Kouyaté : Ce sont effectivement deux piliers du projet. Les rencontres comprennent à la fois des débats sur les sujets abordés dans les spectacles et des échanges formels ou informels entre artistes et entre coproducteurs. Cette année par exemple, avec l’aide de l’Institut français, nous avons convié des professionnels étrangers hors Union européenne qui ont rencontré leurs homologues français pendant cinq jours autour de la programmation. Une telle initiative offre un surcroît de visibilité aux projets, Les Zébrures d’automne devenant ainsi une sorte de plateforme de visionnage. Quant aux compagnies, le fait qu’elles vivent ensemble durant deux semaines leur permet d’apprendre à se connaître et de produire ensuite des spectacles. De nombreux projets ont d’ailleurs été menés suite à ces rencontres. S’agissant de la formation, nous avons accueilli, toujours en collaboration avec l’Institut français, des directeurs techniques de 12 pays qui ont travaillé sur l’accueil technique des productions. Et chaque année, d’avril à mi-octobre, des jeunes de plusieurs nationalités se forment à différents métiers (administration, technique, communication, relations publiques…) et participent au festival d’automne. Beaucoup intègrent ensuite des structures culturelles en France et à l’étranger.

L’Affût : Est-ce plus difficile de produire et diffuser des pièces d’auteurs issus des francophonies ?

Oui, car ceux-ci manquent de visibilité, ce qui complique la production et la diffusion. Un directeur de lieu ne prendra pas le risque de programmer un auteur que ni lui ni le public ne connaissent. Il préférera se tourner vers un auteur confirmé qui remplira sa salle. C’est pourquoi nous souhaitons, via Les Zébrures de printemps, faciliter la rencontre avec les professionnels. Il faudrait encourager les scènes nationales, les centres dramatiques nationaux, à s’ouvrir à ces écritures souvent singulières dans leur façon de dire le monde, afin de favoriser la diversité. Aujourd’hui, sa mise en œuvre se résume bien souvent à la programmation d’un danseur de hip-hop, d’un slameur ou d’un rappeur, parce que cela est plus facile. Mais combien d’auteurs ou de metteurs en scène issus de la diversité sont aujourd’hui artistes associés dans des théâtres ? De nombreux efforts restent à accomplir.

Les Francophonies – Des écritures à la scène
05 55 10 90 10 – accueil@lesfrancophonies.fr
lesfrancophonies.fr

Crédits photos : La Maison des auteurs, photo Les Francophonies

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