Compagnie Midi à l’Ouest

Réalisé par Marie-Agnès Joubert en octobre 2020

Avec son personnage de cartomancienne, Émilie Olivier développe un nouveau projet centré sur la rencontre avec les territoires.

Performeuse tout-terrain

Si Émilie Olivier foule d’abord les planches en France (aux ateliers du TJP Centre dramatique national de Strasbourg) tout en préparant une Licence puis une Maîtrise d’Études théâtrales, c’est à l’école de l’Université du Québec à Montréal qu’elle va pleinement s’épanouir grâce à une formation pluridisciplinaire alliant étroitement théorie et pratique. Durant six ans, la jeune artiste travaille sur le corps, la danse et notamment le Butô (une découverte fondamentale), aborde également l’acrobatie et le clown au sein de la Compagnie Dynamo Théâtre. De retour dans l’Hexagone en 2007, après avoir réalisé ses premiers cachets dans une pièce de Molière, elle s’installe à Nantes et se confronte au théâtre de rue auprès des Brigades de lecture/Compagnie Paq’la lune. Son goût pour la recherche la rattrape toutefois et s’exprime dans K, monologue clownesque adapté du Journal de Franz Kafka présenté en salle, en squat, chez l’habitant et sous chapiteau grâce aux collectifs Mobil Casbah et Quai des Chaps (Nantes) qui lui permettent de participer à son premier festival Chalon dans la rue. « Dès lors, j’ai définitivement basculé vers les arts de la rue », se souvient Émilie Olivier, qui prête aujourd’hui encore son talent à des compagnies de rue telles que La Piste à Dansoire ou L’Agence Nationale de Psychanalyse Urbaine. Son parcours connaît un autre tournant décisif lorsque la Compagnie Popul’Art lui propose de reprendre un entresort de voyance. Ainsi naît en 2013 le personnage de Martine, cartomancienne d’un genre particulier, tout à la fois bonimenteuse, philosophe pétrie de sagesse populaire, observatrice du genre humain et poétesse. Dans sa modeste cahute au décor vintage, elle embarque les publics dans un récit dont ils sont autant acteurs que spectateurs. Une performance des plus réjouissantes pour la comédienne qui peut enchaîner durant plusieurs heures les « consultations ». « J’aime ce travail de métamorphose totale, ce jeu physique de l’acteur, du clown et du masque », explique-t-elle. La forme légère de Martine, tarot de cuisine, lui permet de tourner en complète autonomie (sans technicien et en modifiant elle-même parfois la scénographie) dans des fêtes de quartiers aussi bien que dans de grandes manifestations – Chalon dans la rue, Coup de chauffe à Cognac, Festival Parade(s) à Nanterre…
Après avoir longtemps conçu seule ses spectacles (dont Esprit de la nature, écritures déambulatoires sur mesure) abrités par d’autres compagnies, Émilie Olivier a fondé sa propre entité, Midi à l’Ouest, en 2015, qu’elle transforme en association en 2018 lors de son installation dans la Communauté de Communes d’Aunis-Atlantique en Charente-Maritime, devenue dès lors un véritable partenaire. Soutenue à la création par la DRAC, le CNAREP Sur le Pont, Les Fabriques Réunies et l’OARA, elle a décidé de déléguer la production à la société Gommette production à la faveur d’un projet plus ambitieux, Martine, voyante des territoires, qui ausculte les territoires et leur population. Une façon pour cette artiste engagée de renouer avec le politique tout en continuant d’assouvir sa passion des rencontres ; ceci, grâce à ce qu’elle considère comme « une belle fête, écologique, humaine et ancestrale » : le théâtre.

L’Affût : Votre nouveau projet, Martine, voyante des territoires, suit un processus particulier. Comment se déroule-t-il ?

Émilie Olivier : Durant des résidences de création, j’enquête auprès d’experts locaux que les structures culturelles (pour l’instant des lieux de fabrique arts de la rue et des Parcs naturels régionaux) qui m’accueillent ont contactés au préalable. Il s’agit de scientifiques, d’historiens, de géographes, d’habitants ou de praticiens du territoire. Parfois, j’effectue également des collectages sur les marchés ou m’installe dans des cafés pour recueillir la parole des habitués. Je repars ensuite chez moi et choisis cinq cartes emblématiques pour dire le présent, qui représente la problématique actuelle d’un territoire, la force, le frein, l’horizon, et la voix des tarots symbolisant le conseil. Je demande ensuite à l’illustratrice Amélie Jackowski, qui a dessiné mon jeu de tarot original, de retravailler les détails avec ce que j’ai perçu de la nature et des couleurs du territoire. Imprimées en grand format pour faire office de décor le jour de la représentation, ces cartes serviront de support à la conférence que j’aurai écrite selon un canevas défini avec ma dramaturge, Caroline Masini. Chaque conférence – que j’appelle consultation tarologique publique – dure une heure, devant 120 personnes assises en arc de cercle, comme lors d’une veillée. Je choisis toujours des endroits symboliques. À La Rochelle, par exemple, j’ai joué dans la Tour Saint-Nicolas et devant l’ancienne douane, des lieux qui faisaient écho à ce dont je parlais.

L’Affût : Dans le contexte de crise sanitaire, comment envisagez-vous l’avenir en production et en diffusion ?

J’ai eu beaucoup de chance, car les structures ont souvent reporté mes spectacles et les enquêtes initialement prévues se poursuivent. La diffusion en rue reste pour le moment difficile car les publics n’ont pas le droit de rester debout. Mes créations étant présentées en plein air, avec de petites jauges et des spectateurs assis, je pense que les règles sanitaires pourront être respectées. Je ne suis donc pas trop inquiète pour la saison prochaine. J’ai passé l’été à écrire et j’ai hâte de passer au plateau. En 2021, je jouerai notamment six fois le Tarot du Marais et aurai une mini-tournée pour le Tarot du Pays Basque. Plus que jamais des projets de territoire comme les miens semblent pertinents et je perçois un réel intérêt chez les structures culturelles de la région auxquelles je les propose. Les habitants ont envie de mieux connaître leur territoire.

Compagnie Midi à l’Ouest
martinetarot.diffusion@gmail.com – ciemidialouest.jimdofree.com

Crédits photos :Martine Voyante des territoires, Cie Midi à l’Ouest, photo Marie Monteiro, ciemidialouest.jimdofree.com

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