Compagnie L’oublié(e)
En compagnonnage depuis 2018 avec L’Agora de Boulazac, Raphaëlle Boitel bouscule les codes du cirque de création.

Tous les chemins mènent à la piste
Passionnée de théâtre, c’est toutefois sous le chapiteau d’un cirque où elle se rend un jour en famille que Raphaëlle Boitel connaît une véritable révélation. Rien désormais ne la fera dévier de sa vocation : élève dans une école de cirque de Montauban, la future artiste n’hésite pas à se produire tout un été dans la rue avec son frère aîné Camille pour permettre à leur mère de les inscrire à un stage dirigé par Annie Fratellini. Bluffée autant par le talent que par la détermination de ces enfants âgés seulement de 8 et 12 ans, celle-ci leur propose d’intégrer son Académie. Pour Raphaëlle Boitel, débute alors une incroyable aventure, jalonnée de rencontres. La plus déterminante est sans conteste celle de James Thierrée, croisé sur le tournage d’un film de Coline Serreau, qui l’engage en 1998 dans La Symphonie du Hanneton puis La Veillée des Abysses. Une décennie passée à ses côtés en tournée la forme aux différents aspects d’un métier très exigeant. « J’ai beaucoup appris grâce à lui : aussi bien à formuler des propositions artistiques qu’à acquérir endurance et ténacité », se souvient Raphaëlle Boitel. Marquée par cette expérience mais aspirant légitimement à se forger une identité propre, la jeune circassienne prend ensuite le temps d’explorer d’autres voies en tant qu’interprète. Comédienne au cinéma et au théâtre, en France et à l’étranger, elle retrouve la piste pour la création d’Aurélien Bory, Géométrie de Caoutchouc. Nous sommes en 2011, et Raphaëlle Boitel, qui a rencontré à cette occasion un nouveau compagnon de route en la personne de Tristan Baudoin (son scénographe et créateur lumière attitré), se sent désormais prête à créer sa compagnie. Après une petite forme (Consolations ou interdiction de passer par-dessus bord), L’Oublié(e) en 2014 constitue un spectacle fondateur, qui assoit un parti pris esthétique s’appuyant sur une hybridation des formes où la théâtralité le dispute à un univers cinématographique. Née du désir d’explorer une thématique particulière, chaque création est ainsi façonnée au gré d’images et de références personnelles – tableaux, livres ou films. « Ma recherche s’articule autour de métaphores mises au service d’histoires non linéaires », explique Raphaëlle Boitel, ajoutant s’inspirer cependant de la construction dramaturgique de l’opéra. Un genre qu’elle a exploré en collaborant avec des grandes institutions : la Scala de Milan, le Théâtre du Châtelet et l’Opéra Comique à Paris.
Tout en s’inscrivant dans la continuité des précédentes, sa récente création, La Chute des Anges, marque un tournant dans le parcours de Raphaëlle Boitel qui choisit l’an passé de s’installer en Nouvelle-Aquitaine à l’invitation du directeur de L’Agora de Boulazac, Frédéric Durnerin. Si le compagnonnage avec le Pôle national cirque prévu jusqu’en 2023 lui permet de s’ouvrir à d’autres réseaux en production et diffusion, Raphaëlle Boitel souhaite également s’inscrire durablement sur le territoire grâce à un important travail d’action culturelle ; ceci, tout en continuant de répondre à de nombreuses sollicitations dans l’Hexagone et au-delà – elle rentre d’une tournée aux États-Unis et s’envolera pour Taïwan et le Japon l’an prochain. Convaincue que « l’art sauvera le monde », cette artiste de tempérament est en effet mue par un unique désir : rêver et offrir du rêve au public.
L’Affût : L’Opéra de Bordeaux vous a offert une Carte blanche. Comment se présentera ce spectacle intitulé Horizon ?
Raphaëlle Boitel : Cette production m’a été commandée par la Ville de Bordeaux, La Condition publique de Roubaix, l’association Parkour59 réunissant des acrobates du Parkour et la Compagnie ADDAB (située à Bruges, près de Bordeaux) spécialisée dans les arts du déplacement. La Ville m’a invitée à collaborer avec des Free Runners qui réalisent des parcours sur les toits des immeubles. L’Opéra de Bordeaux a construit le décor d’une grande cité moderne sur les toits (conçu par Tristan Baudouin) sur lesquels j’inventerai un langage chorégraphique à partir du vocabulaire du Parkour. Avec ce spectacle, je me suis intéressée à la relation entre trois époques : le Siècle des Lumières symbolisé par l’architecture de l’Opéra, la période moderne et ses building construits à des hauteurs incroyables et enfin l’Égypte des pyramides évoquée par des mâts chinois. Outre des Free Runners, cette forme libre rassemble des artistes de cirque. Elle permettra de mettre en lumière cette discipline de l’espace urbain qu’est le Parkour, peu présent dans les théâtres, mais aussi de nourrir mes prochaines créations. J’ai en effet très envie de travailler de nouveau avec des Free Runners.
L’Affût : Parlez-nous de votre création 2020, Un contre un, la première que vous destinez au jeune public…
Créer pour le jeune public me titillait depuis longtemps. L’occasion m’en a été donnée grâce au Théâtre de Sartrouville et des Yvelines-CDN, qui m’a passé commande d’une forme techniquement légère qui puisse être jouée aussi bien dans des théâtres que dans des salles non équipées. Je me suis inspirée du mythe d’Orphée et d’Eurydice, que j’ai revisité de façon humoristique en soulevant plusieurs questions : l’égalité homme-femme, la place de la femme dans la société actuelle, mais aussi l’espace contraint (d’où le titre Un contre un) pour l’enfant qui n’est plus libre aujourd’hui de bouger, et pour les adultes enfermés dans leur relation à l’autre. Étant habituée des grands plateaux, ce projet représentait un challenge. Mais le fait d’aller à la rencontre des enfants et de publics que je ne côtoie pas ordinairement m’importait beaucoup.
Compagnie L’Oublié(e)
Agora PNC Boulazac Aquitaine 24750 Boulazac
06 41 80 20 07 – mcleger.cieloubliee@gmail.com – cieloubliee.com
Crédits photos :La chute des anges, Cie L’Oublié(e), photo Frank Berglund
Ces éditions de l’Affût peuvent vous intéresser