Compagnie Le chat perplexe

Réalisé par Marie-Agnès Joubert en octobre 2019

Cette compagnie orientée jeune public établie depuis vingt ans à Aubusson s’appuie sur la pluridisciplinaritéafin de créer des univers sensibles et poétiques.

Un regard poétique sur le monde

Une vocation d’ingénieur du son contrariée, une pratique assidue de la clarinette puis un goût pour la pédagogie qui la pousse à obtenir un Diplôme universitaire de musicien intervenant (DUMI) : cofondatrice de la Compagnie Le Chat perplexe, Estelle Coquin a longtemps gravité autour du spectacle vivant sans imaginer fouler un jour les planches. Le premier coup de pouce du destin intervient lorsqu’elle côtoie au milieu des années 90 la compagnie bordelaise Éclats. Conviée à jouer dans l’une de ses productions, la musicienne se voit ensuite proposer d’écrire un spectacle destiné aux crèches. Faut qu’ça tourne connaît un succès tel qu’il est programmé au festival Méli’Môme de Reims, où la vie va réserver une autre belle surprise à Estelle Coquin : elle y croise Lucie Catsu, alors à la recherche d’un musicien. « Lucie était conteuse et séduite par mes propositions musicales, et de mon côté je m’interrogeais sur la place de la musique au théâtre », se souvient-elle. C’est donc sous le sceau de l’interdisciplinarité que les deux complices, épaulées par le scénographe et musicien Nico Gotro, fondent en 2000 la Compagnie du Chat Perplexe. En même temps qu’il s’ouvre peu à peu à différents genres (la marionnette, la danse, la vidéo…), le collectif s’adjoint le concours d’autres artistes : Jean Métégnier (musicien), Stella Cohen Hadria (chanteuse et comédienne), Camille Reverdiau (danseuse), Emma Atkinson (créatrice lumière), Morgane Defaix (vidéaste). Quels que soient le propos et la forme d’écriture choisis (conte, concert, texte inspiré d’une œuvre…), le dénominateur commun à tous les spectacles est une grande place accordée aux univers visuels et sonores, vecteurs de poésie. « Marier les disciplines nous permet de parler davantage à la capacité émotive des spectateurs, à leur perception, qu’à leur intellect », ajoute Estelle Coquin, qui justifie l’orientation jeune public précisément par ce choix d’une grande liberté de formes, que l’on peut moins s’autoriser, selon elle, dans des spectacles pour adultes.
L’autre marque de fabrique de la compagnie est sa volonté de se porter à la rencontre des personnes éloignées des salles, grâce à des projets d’action culturelle ambitieux (rendus possibles par les conventionnements DRAC et Région dont elle bénéficie) en lien avec les spectacles. En amont du Balbizar par exemple, les artistes proposent La Grande Estafette, durant laquelle ils investissent une ville avec des installations, des performances, des concerts impromptus… Cette relation de proximité avec les publics est également favorisée par la diffusion des productions aussi bien sur de grands plateaux (scènes conventionnées et nationales) que dans des médiathèques ou encore des cours de fermes. Elle s’affirme plus avant actuellement, Le Chat Perplexe apportant pour la première fois un caractère participatif à sa future création, Mangerons-nous ? (d’après Mangeront-ils ?, de Victor Hugo), via des laboratoires organisés avec les élèves d’un lycée de Blaye sur des questions relatives à la démocratie et à la liberté. Des thèmes chers à Estelle Coquin comme à ses acolytes, qui souhaitent avant tout « partager leur regard sur le monde ». Avec le secret espoir, grâce à la poésie, de le réinventer.v

L’Affût : Être implanté en milieu rural complique-t-il la production et la diffusion ?

Estelle Coquin : La principale difficulté est de montrer notre travail, car faire venir des programmateurs dans la Creuse est quasi impossible. De plus, le nombre de lieux de diffusion en Limousin est restreint et ceux-ci ne peuvent nous accompagner tous les ans en production. D’où l’obligation d’autoproduire certains spectacles. Néanmoins, la création de la Région Nouvelle-Aquitaine nous a permis d’avoir accès à certains dispositifs et d’élargir le cercle des coproducteurs. Le Champ de Foire à Saint-André-de-Cubzac, par exemple, nous accompagne sur notre création 2020, Mangerons-nous ?. Sur le plan de la diffusion, tourner hors du Limousin apparaît comme une nécessité et nous aide aussi à trouver de nouveaux soutiens. Tout n’est cependant pas lié à notre situation géographique, mais plutôt à deux éléments : un contexte général qui rend la recherche de coproducteurs de plus en plus difficile, et le fait que la compagnie existe depuis 20 ans et voit donc certains de ses partenaires historiques remplacés.

L’Affût : Parlez-nous de votre prochaine création, Je m’suis fait tout p’tit…

Son initiateur, Jean Métégnier, souhaitait faire comprendre aux enfants combien la pratique de la musique pouvait être naturelle. En cherchant la manière d’exprimer cela, nous nous sommes rendu compte que Georges Brassens, autodidacte, tenait le même discours. Nous voulions proposer un duo, et Stella Cohen Hadria a tout de suite adhéré au projet. Je m’suis fait tout p’tit se présentera sous la forme d’une émission de radio en direct, où l’on retrouvera certaines chansons réarrangées, d’autres composées par Jean Métégnier et Stella Cohen-Hadria mais aussi la voix de Brassens grâce à des extraits d’interviews. Le spectacle a été conçu sous deux formats : l’un dédié aux grands plateaux, l’autre plus léger afin de pouvoir être joué partout. Nous envisageons par ailleurs d’organiser des ateliers d’écriture de chansons destinés aux enfants. La création aura lieu début novembre à La Guérétoise de spectacle à Guéret, qui coproduit le spectacle avec La Mégisserie de Saint-Junien, JM France et la Communauté de communes Creuse Sud-Ouest. Le Moulin du Marais à Lezay, quant à lui, nous accueille en résidence.

Compagnie Le Chat Perplexe
20 rue Châteaufavier BP 93 23200 Aubusson
lechatperplexe@wanadoo.fr – lechatperplexe.com

Crédits photos :Je m’suis fait tout p’tit, Cie Le Chat Perplexe, photo Ernesto Timo lechatperplexe.com

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