Une rencontre professionnelle pour envisager ensemble les politiques culturelles de demain

Lundi 9 mai 2022 au Théâtre Jean Lurçat Scène Nationale d’Aubusson
Entre témoignages et échanges sur nos politiques culturelles, retour sur la rencontre autour de l’ouvrage Pour une politique culturelle renouvelée de Bernard Latarjet et Jean-François Marguerin, au théâtre Jean Lurçat à Aubusson.
Le 9 mai 2022, s’est tenue au Théâtre Jean Lurçat Scène Nationale d’Aubusson en Creuse, une rencontre débat autour du dernier ouvrage de Bernard Latarjet et Jean-François Marguerin intitulé Pour une politique culturelle renouvelée et publié chez Actes Sud dans la collection “Domaines du possible”.
L’A. a co-organisé et animé cette rencontre avec le Théâtre Jean Lurçat, dans la perspective de rassembler des personnes du territoire pour un temps d’échange à la fois professionnel et citoyen autour des politiques culturelles. La présence de Bernard Latarjet et le contexte politique des élections législatives a permis à chacun et chacune d’échanger idées, réflexions, stratégies, modèles de structuration…
Cette rencontre alimente un des aspects du projet de Christine Malard pour la Scène Nationale : faire du théâtre un espace habité, qui vit en dehors des représentations.
Elle correspond enfin à la mission de L’A. Agence culturelle Nouvelle-Aquitaine qui consiste à proposer tout au long de l’année et sur l’ensemble du territoire régional des temps de rencontre et d’échange sur des thématiques et problématiques d’actualité ou des enjeux d’avenir.
Les intervenant·e·s :
- Bernard Latarjet, ancien directeur d’établissement culturel et ancien conseiller au ministère de la culture et co-auteur de l’ouvrage
- Thierry Szabo, directeur de L’A. Agence culturelle Nouvelle-Aquitaine
- Christine Malard, directrice du Théâtre Jean Lurçat Scène Nationale d’Aubusson
- Philippe Esterellas, vice-président Culture Communauté de communes Creuse Grand Sud

Les participant·e·s :
Ce sont des élu·e·s, des professionnel·le·s, des artistes, des responsables associatifs, des bénévoles ainsi que des étudiant·e·s, soit 35 personnes qui ont échangé et réfléchi ensemble aux politiques culturelles de demain.
LA MÉTHODE D’ÉCRITURE : UN RECUEIL DE TÉMOIGNAGES
L’ouvrage de Bernard Latarjet et Jean-François Marguerin est basé sur un recueil de treize témoignages. À la manière d’un tour de France, les deux auteurs ont parcouru la métropole française à la recherche d’actes, de projets et plus largement d’exemples de ce qui peut être construit (et de ce qui fonctionne !) en termes de projets culturels. Pour les auteurs, c’est véritablement par l’expérimentation et la multiplication d’expériences que nous pouvons faire évoluer nos modèles, et c’est ce qu’ils ont cherché à faire ressortir tout au long des 546 pages qui composent l’ouvrage.

EXEMPLES D’ENJEUX POUR LE SECTEUR CULTUREL
Après un premier temps de présentation de l’ouvrage, les participant·e·s à la rencontre, réuni·e·s en groupe de travail ont pu revenir sur des points soulevés par Bernard Latarjet, et faire remonter leurs questionnements pour la deuxième partie de l’après-midi. Ce temps de réflexion en groupe a rendu possible la participation et l’échange actif de l’après-midi et a également permis à Bernard Latarjet de revenir sur les piliers de son ouvrage.
Un des piliers de l’ouvrage de Bernard Latarjet et François Marguerin est le passage de la démocratisation culturelle à la démocratie culturelle. Pour les deux auteurs, les théories de la démocratisation culturelle ont aujourd’hui atteint leurs limites. Si ces théories ont permis un élargissement des publics, elles n’ont pas, selon eux, suffisamment associé le milieu scolaire dans les actions mises en place pour gagner en démocratisation.

À cette question, les personnes présentes à la rencontre souhaitent ajouter la question des droits culturels et donc des publics. Bernard Latarjet rattache ces questionnements à l’école. Selon lui, c’est véritablement en mettant en place l’Éducation Artistique et Culturelle (EAC) dans l’enseignement que l’on va assister à un renouvellement des publics, et que l’on va limiter cette fracture sociale que cherchait à « réparer » la démocratisation culturelle. Ensuite, c’est en construisant un lien étroit entre les artistes, les lieux culturels et les publics qu’on pourra parvenir à envisager les droits culturels. Pour Bernard Latarjet : « il y a des tentatives et expériences dont il faut s’inspirer ».
Cet enjeu a naturellement amené une problématique suivante, d’ailleurs abordée dans l’ouvrage et soulevée par les participant·e·s : comment passer de l’expérimentation à la généralisation ?
Pour Bernard Latarjet, si les lieux culturels ont des difficultés à créer des lieux de vie de manière pérenne et qu’ils font face à une “crise des publics”, c’est pour plusieurs raisons. Tout d’abord il constate des résistances professionnelles et corporatistes au sein-même du secteur culturel. Crainte de l’expérimentation, manque de coopération ? Ces pistes sont envisagées par l’auteur. Ensuite il constate des résistances médiatiques liées à la starification de certains artistes, et d’une certaine culture, parfois toujours trop élitiste. Enfin si la généralisation est dure à installer c’est aussi selon lui du fait de résistances politiques, administratives et bureaucratiques. Dans leur ouvrage, les deux auteurs ont relevé un manque de prise en compte de la réalité du terrain dans les politiques publiques. Ce décrochage du terrain ne faciliterait donc pas l’assistance et la mise en œuvre de projets à plus grande échelle.
La place des artistes est questionnée à de nombreuses reprises au cours de la rencontre. Les participant·e·s (dont certain·e·s eux-mêmes artistes) craignent une instrumentalisation de leur statut notamment au travers de certains dispositifs d’EAC. Bernard Latarjet rappelle alors la force créatrice des artistes, et également leur libre-arbitre dans leurs projets. Pour l’auteur, pour éviter de voir des artistes devenir des substituts de services sociaux, il faudrait pousser les financements vers les artistes émergents afin de les aider à gagner en autonomie financière. L’auteur conclut d’ailleurs cette rencontre en rappelant la nécessité de défendre les services publics, tous secteurs confondus.