La nouvelle donne départementale (Partie 2)

Réalisé par Stéphanie Pichon en février 2022

Au plus près des territoires, les départements développent des politiques culturelles favorisant la proximité.Comment les dernières élections cantonales, en avril 2021 ont-elles rebattu (ou pas) les cartes de leurs politiques culturelles ? La crise sanitaire a t-elle remodelé leurs manières d’accompagner artistes, lieux, événements ? L’Affût fait le point avec des élu·es de la culture de trois Départements de la région Nouvelle-Aquitaine. La Creuse, les Deux-Sèvres et les Pyrénées Atlantiques n’ont pas changé de majorité politique (droite et centre-droit). Ce qui n’empêche pas de nouveaux élans culturels. Nous leurs avons tous posé les deux mêmes questions : quels sont les nouveaux axes de politique culturelle de votre Département, et quelles ont été les actions spécifiques mises en place en direction des lieux et artistes pour faire face aux conséquences de la crise sanitaire. Voici leurs réponses.

photo Nino Carè (Pixabay)

Département de la Creuse

Catherine Defemme, vice-présidente en charge de la Culture et
Angélique Védrine, cheffe de projet Coordination Culturelle

« Je souhaite faire du secteur culturel un levier de développement du territoire et de son attractivité. Le département de la Creuse intervient déjà dans la lecture publique, les archives départementales, la valorisation du patrimoine, l’enseignement artistique (avec le Conservatoire départemental), trois scènes dont la Scène Nationale d’Aubusson et la Cité internationale de la tapisserie à Aubusson également. Notre département abrite une vie associative culturelle particulièrement riche, et, selon l’étude Les festivals culturels de Nouvelle-Aquitaine de L’A., il s’y déroule le plus grand nombre de festivals (33) rapporté au nombre d’habitants ! Pourtant, il n’existe pas encore de dispositif spécifique à destination des acteurs et manifestations culturelles. C’est pourquoi, dans les orientations à venir, nous souhaitons redéfinir un nouveau schéma départemental des politiques culturelles – le dernier remontait à 2007 – qui redonne de la lisibilité et de la visibilité à l’action du département sur la culture, donne du sens et de la cohérence, et permette une plus grande transparence dans l’attribution des aides. Un appel d’offres est lancé au printemps, pour qu’un cabinet extérieur se saisisse de cette étude. Ce nouveau schéma devrait être opérationnel dans un an.
Lors de la crise sanitaire, le département de la Creuse n’a pas créé de fond ou de dispositif spécifique, mais nous avons anticipé les paiements des aides, et nous les avons reconduites systématiquement, que les événements aient lieu, ou pas. Ainsi en 2020, les associations culturelles ont pu toucher les aides dès avril, en 2021 dès le mois de mai. Il s’agissait de préserver le riche monde associatif et tous les emplois que ces événements génèrent. À la rentrée 2021, un chèque collège sport-culture a été lancé, à titre expérimental. Ainsi chaque collégien de la Creuse a reçu un chéquier de 50 euros, à utiliser dans des associations, clubs sportifs ou enseignements culturels. Pour l’heure, l’évaluation n’est pas encore disponible. Selon les résultats, nous reconduirons, ou pas cette mesure en 2022-2023. »

Focus sur la cité internationale de la tapisserie

Mastodonte de la culture en Creuse, avec ses 40 000 visiteurs par an, la Cité inaugurée en 2016, entame une nouvelle étape, avec la construction d’une extension confiée au cabinet Projectiles (sortie de terre en 2024), soit 1 600 m2 pour accueillir des formations sur les savoir-faire, des résidences, mais aussi pour montrer les projets exceptionnels de commande de tentures. Ainsi, cette nouvelle aile, exposera, entre autres, les grandes tentures événement du moment : celle consacrée à l’œuvre de l’auteur JRR Tolkien – 14 tapisseries et 2 tapis –, qui sera terminée fin 2022, et celle associée au studio japonais Ghibli du dessinateur et réalisateur Hayao Miyazaki – 4 tapisseries représentant chacune une scène d’un film – dont la première tapisserie consacrée à Princesse Mononoké, sera visible dès février 2022.

Département des Deux-Sèvres

Philippe Chauveau, conseiller départemental en charge de la Culture et de la Lecture

« Notre souhait est d’offrir une culture ouverte à tou·te·s, que ce soit sur les territoires ruraux ou sur les pôles urbains. Nous continuons les actions déjà entreprises avec les acteurs emblématiques, soit 32 festivals, 16 saisons culturelles, les enseignements artistiques, et l’action culturelle. En 2022, un budget de 2,3 M€ sera dédié au rayonnement de la culture, de la lecture, de la vie associative et au Musée des tumulus de Bougon, notre musée départemental. Notre ambition est de soutenir les initiatives artistiques et culturelles locales, porteuses de lien social, de dynamisme sur les territoires mais aussi divertissantes et enrichissantes pour les Deux-Sévriens et les touristes. Dans ses vœux, notre présidente Coralie Dénoues, a insisté sur le fait de prendre le temps dans cette période troublée… ce qui ne signifie pas non plus stagner ! Mais nous avons le souci d’encore mieux connaître les citoyen·ne·s, les acteurs culturels et leurs aspirations. La gouvernance décidée par la nouvelle Présidente et sa majorité se veut moderne et consultative. Aussi, depuis les élections, nous allons à la rencontre des partenaires culturels, des habitant·e·s, nous prenons le temps d’observer, d’écouter avec comme objectif de bâtir une nouvelle politique culturelle davantage en phase avec les priorités départementales. Il se dessine un axe important pour 2022, celui de la place accordée à la lecture, place prépondérante au point que ma délégation a été baptisée Culture et Lecture. Nous souhaitons laisser une grande place à la lettre et l’écrit, et en faire un axe prioritaire. Comment le livre peut-il avoir une place plus prépondérante ? Comment inciter les nouvelles générations à prendre un livre ? Nous avons envie, par la lecture, de donner un rayonnement plus large au département des Deux-Sèvres avec pourquoi pas un événement de dimension nationale. Nous allons aussi mettre en lumière les travaux de la bibliothèque départementale de prêt, et le projet immobilier des archives départementales, qui sont aujourd’hui à l’étroit. Je n’étais pas encore élu lorsque la crise sanitaire a surgi en mars 2020. Mais le département des Deux-Sèvres a été réceptif, à l’écoute et réactif pour accompagner et soutenir le secteur culturel. Une enveloppe de 30 000€ a permis aux compagnies d’adapter leurs spectacles à de nouveaux lieux, et nouveaux espaces, hors théâtres. 23 spectacles en ont bénéficié. Nous avons aussi débloqué des financements – 100 000 € – pour soutenir la diffusion dans des lieux différents : EHPAD, collèges, maisons familiales rurales. 125 représentations ont ainsi été données dans ces lieux en 2021, soit 300 cachets artistiques, ce qui n’est pas anodin à l’échelle départementale. Parallèlement nous avons aussi mis en place un pass culture et sport, pour faciliter l’accès des familles à des activités culturelles. En 2020, cela a représenté 250 000 €, en 2021 700 000 € soit plus de 15 000 jeunes aidés. »

Focus sur terre de lecture(s)

Chaque année à l’automne, Terre de lecture(s) propose animations et rencontres dans les médiathèques et bibliothèques du territoire, dont les toutes petites, souvent bénévoles, des villages. Auteur·rice·s, artistes, partent à la rencontre des habitants avec des rencontres, lectures, contes. Organisée en 2021 sur la thématique des désordres amoureux, elle a rassemblé 700 personnes, du 15 octobre au 3 décembre derniers, et proposé contes pour enfants, lectures érotiques et échanges précieux avec les auteur·rice·s.

Département des Pyrénées-Atlantiques

Jacques Pedehontaà, vice-président en charge de la vie associative, sportive et culturelle, délégué à la culture et au tourisme

« Le département des Pyrénées-Atlantiques consacre chaque année 5 millions d’euros à la culture, dont 2 millions d’euros aux langues régionales. Nos sept soutiens sectoriels demeurent inchangés : l’éducation artistique et la médiation culturelle, les manifestations traditionnelles et pratiques amateures, les langues régionales, qu’il s’agisse du Béarn ou du Pays basque, le spectacle vivant, le cinéma et l’audiovisuel à travers nos réseaux de 16 cinémas indépendants, les arts visuels, et l’ensemble des enseignements artistiques, soit une trentaine d’écoles et deux conservatoires. Dans cette organisation inchangée de notre politique culturelle, nous développons des axes innovants, comme le dispositif Culture Seniors, qui concerne plus de 50 EHPAD, Grandir avec la culture, qui organise des résidences d’artistes dans les collèges, et permet aux élèves d’être au contact d’un·e artiste et d’une œuvre. En 2020, nous avons aussi inventé un nouveau dispositif autour de l’art dans l’espace public pour des créations artistiques dans des lieux non culturels, extérieurs. Nous renforçons aussi la visibilité de nos cinémas indépendants en proposant depuis 2020, une programmation de spectacles vivants dans ces salles. Enfin, en 2022 nous mettons en place Carnet de Bal, en conventionnement avec le Cabinet des Affaires Culturelles 64. Cette opération soutient les bistrots de village, qui sont souvent bien plus que des bistrots, mais aussi des plateformes culturelles, des endroits indispensables de sociabilité. Nous avons concocté un catalogue d’artistes en tout genre, toutes disciplines, et ils pourront, à hauteur de 3 000 € chacun, y piocher pour programmer des soirées dédiées aux arts vivants.
Pendant le 1er confinement, le département a décidé de rester à budget constant et de verser, dès juin 2020, 80 % des subventions habituelles aux acteurs culturels. Les 20 % restants ont été versés en fonction du dossier. La mesure a été renouvelée en 2021. Nous avons aussi débloqué un fonds spécial Covid de 500 000 € pour soutenir les acteurs qui faisaient face à des situations délicates, et leur apporter un complément d’aide, en fonctionnement notamment. On a géré ainsi quinze dossiers. »

Focus sur l’année “Sainte” des chemins de St-Jacques

Toutes les routes de St-Jacques de Compostelle convergent vers les Pyrénées-Atlantiques ! En cette année « sainte » jacquaire, le Département investit 200 000 € dans l’animation du chemin, de mars à octobre 2022. Ce temps fort sera lancé le 25 mars autour de figures engagées dans le dépassement de soi. Jusqu’à l’automne, l’été des pèlerins sera marqué par trois résidences d’artistes pour imaginer œuvres in situ et signalétiques, une balade patrimoniale et gustative, ainsi qu’une digitalisation d’une portion du GR 65 qui permettra aux marcheur·se·s de découvrir numériquement les richesses paysagères ou patrimoniales du chemin.

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